47 qubits ne valent pas une révolution. À l’heure où chaque laboratoire s’empresse d’annoncer le prochain record, la course à l’ordinateur quantique le plus puissant du monde se joue dans l’ombre des protocoles, loin d’un quelconque consensus international. Un jour, la Chine exhibe Jiuzhang, le lendemain IBM vante sa nouvelle puce, pendant que la France s’infiltre dans la mêlée avec ses propres armes. La suprématie quantique, ce Graal convoité, ne suffit pas à faire d’une machine un outil polyvalent pour l’industrie. Les chiffres s’accumulent, mais la réalité reste nuancée : les écarts entre résultats de laboratoire et usages concrets sont parfois vertigineux. Dans ce climat, chaque annonce s’apparente à un coup de théâtre savamment orchestré, alors que la transparence autour des performances demeure limitée.
Plan de l'article
Ordinateur quantique : où en est la course à la puissance ?
La bataille mondiale pour le calcul quantique a pris un rythme effréné. Outre-Atlantique, IBM multiplie les démonstrations de force, alignant des records de qubits comme autant de trophées. La Chine, elle, met en avant ses plateformes Jiuzhang et Zuchongzhi, qui repoussent les limites du possible avec des architectures conçues pour des performances extrêmes. L’Europe et la France ne se contentent plus d’observer : le CEA, notamment au sein du centre calcul TGCC de Bruyères-le-Châtel, investit dans des solutions hybrides et multiplie les alliances stratégiques.
Dans ce paysage en mutation, la start-up parisienne Quandela bouscule les codes avec son ordinateur quantique photonique nommé Lucy. La différence ? Ici, les qubits photoniques résistent aux perturbations et opèrent à température ambiante, là où les processeurs quantiques supraconducteurs exigent des environnements proches du zéro absolu. Lucy s’est déjà installé au sein du supercalculateur Joliot Curie du TGCC, s’ouvrant à la recherche et à l’industrie via le cloud.
Pour mieux comprendre la diversité des stratégies, voici un aperçu des principales technologies actuellement à l’œuvre :
- qubits supraconducteurs (IBM, Google)
- qubits photoniques (Quandela, Chine)
- architectures hybrides (CEA, Europe)
Mais la notion de plus puissant ordinateur quantique ne se résume ni à la quantité de qubits ni à la vitesse brute. Elle se définit par la capacité à résoudre des défis restés inaccessibles pour les supercalculateurs classiques. Ce seuil de suprématie bouge sans cesse, influencé par la qualité des portes logiques, la correction d’erreurs et la cohérence du système. Les modèles phares comme Lucy, Sycamore ou Jiuzhang dessinent les contours de cette révolution, sans qu’aucun ne puisse prétendre dominer la scène mondiale à lui seul.
Quelles innovations distinguent le leader mondial actuel ?
À Paris, le Lucy ordinateur quantique développé par Quandela s’est imposé comme une référence dans le domaine du quantique photonique. Sa particularité : exploiter des qubits photoniques générés à la demande et manipulés sans recourir à la cryogénie. Ce pari technologique offre une robustesse et une stabilité saluées par la communauté scientifique.
Mais l’innovation ne s’arrête pas là. L’accès à Lucy via le cloud a ouvert un nouveau champ d’expérimentation. Universitaires, industriels et start-up peuvent s’y connecter, tester des algorithmes et imaginer de nouveaux usages, de l’optimisation énergétique au machine learning quantique. Des groupes comme Airbus examinent déjà les possibilités offertes pour la simulation moléculaire ou la gestion de réseaux complexes.
Ce sont des défis industriels très concrets qui guident les développements menés par Niccolo Somaschi et son équipe. Parmi les applications explorées :
- Intégration des énergies renouvelables dans la gestion des réseaux électriques,
- optimisation des chaînes logistiques pour gagner en efficacité,
- accélération des calculs utiles à la recherche fondamentale.
Cette dynamique s’inscrit dans un mouvement européen plus large. Les utilisateurs bénéficient d’une interface simplifiée, tandis que l’ouverture du système favorise l’émergence de solutions adaptées à l’industrie. Le photonique plus puissant devient un objectif partagé, où chaque avancée alimente l’innovation collective.
Performances et spécificités techniques du modèle le plus avancé
Avec Lucy, l’Europe affirme ses ambitions en matière de calcul quantique. L’approche photonique consiste à manipuler des qubits photoniques de façon précise, sans dépendre de la cryogénie imposée par les qubits transmon des acteurs américains. Résultat : des processeurs quantiques photoniques qui fonctionnent à température ambiante, allégeant les contraintes d’infrastructure et de consommation d’énergie.
La force de ce dispositif repose sur la fidélité des portes quantiques et la stabilité du flux photonique. L’architecture modulaire de Lucy permet d’ajouter progressivement des qubits tout en conservant la cohérence du système, là où d’autres, à l’image de Sycamore (Google), Jiuzhang ou Zuchongzhi (Chine), misent sur la multiplication pure et simple du nombre de qubits.
Les capacités de la machine se mesurent à la variété et à la complexité des algorithmes exécutés : optimisation combinatoire, simulation moléculaire ou encore apprentissage automatique. Lucy a déjà traité des algorithmes quantiques avancés, prouvant la solidité de son cœur photonique face aux défis d’extension à grande échelle. Le calcul quantique, longtemps réservé à une poignée d’experts, devient accessible depuis Paris et le centre TGCC du CEA à un public élargi.
Face à la concurrence, que ce soit du côté des quantiques IBM ou des solutions asiatiques, la riposte européenne s’organise. Lucy incarne cette volonté de peser sur la scène internationale, en redéfinissant les règles du jeu pour le quantique plus puissant.
Recherche, industrie : quels impacts et perspectives pour les ordinateurs quantiques ?
L’arrivée du calcul quantique redistribue les cartes dans l’univers du numérique. Les chercheurs scrutent les nouveaux horizons ouverts par les algorithmes quantiques : résolution de problèmes d’optimisation, simulation de molécules à des échelles inédites, accélération du machine learning quantique. La recherche se réinvente, franchissant des frontières jusque-là infranchissables.
Pour l’industrie, la pression ne cesse de croître. En France, la stratégie nationale quantique et le plan quantique européen font passer la technologie du laboratoire à la production. Les entreprises s’emparent déjà de ces outils pour répondre à des besoins concrets :
- optimisation des réseaux énergétiques adaptés aux énergies renouvelables,
- systèmes de protection de données pour anticiper la menace post-RSA,
- analyse de big data avec une rapidité inégalée.
Face à cette montée en puissance, France et Europe misent sur des infrastructures robustes, à l’image du centre calcul TGCC du CEA, pendant que la Chine et les leaders américains développent leurs propres architectures. Les technologies quantiques deviennent l’axe central des innovations de demain, capables de transformer aussi bien la sécurité informatique que la conception de nouveaux matériaux. Les impacts s’annoncent multiples, du médicament au transport, et l’aventure ne fait que commencer.

